La croissance, toujours soutenue par le minerai, peine à décoller
En 2025, la croissance sera encore tirée par les industries extractives (nickel, ilménite, graphite) et manufacturières (textile). En effet, la poursuite de la mise en œuvre du nouveau code minier, révisé et validé par la cour constitutionnelle en juillet 2023, continuera de stimuler les investissements. La législation a augmenté les taux cumulés de redevance et de ristourne aux collectivités à 5% (contre 2%) et réduit la validité d’une licence d’exploitation à 25 ans (au lieu de 40), renouvelable une fois pour 15 ans (contre 20). Malgré le durcissement des conditions, les investissements étrangers et domestiques, continueront ainsi d’augmenter. Ceci s’explique par un environnement juridique et réglementaire plus attrayant et par une demande mondiale soutenue pour les ressources minérales du pays, essentielles à la transition énergétique.
Les exportations de minerais seront également favorisées par la mise en service de grandes installations d’extraction de graphite (troisième fournisseur mondial) et les ventes aurifères, qui bénéficient de la levée de l’interdiction de ses exportations depuis mars 2023. Alors que le cours de l’or s’envole depuis 2024, Madagascar bénéficiera également de la construction d’une raffinerie financée par les Émirats arabes unis et opérationnelle dès 2025, qui permettra l’exportation d’une quinzaine de tonnes d’or par an. Des investissements publics soutiendront le secteur de la construction en ciblant des projets d’infrastructures, comme la construction d’une conduite d’eau dans le sud et d’une nouvelle autoroute devant relier Antananarivo et Toamasina, d’ici fin 2027.
Finalement, le pays profitera également de l’essor du tourisme et du rebond de l’agriculture. La production de riz augmentera au 1er semestre et celle de vanille restera élevée pour la campagne 2024-2025, tout en bénéficiant également de prix en hausse. Toutefois, malgré ces perspectives favorables, les investissements, publics et privés, pourraient être restreints par la mauvaise gouvernance (corruption) et les risques climatiques. La consommation privée (66% du PIB) sera elle aussi limitée par l’importante pauvreté et par l’inflation. Celle-ci restera élevée malgré un léger soulagement dû au resserrement monétaire et l’atténuation des prix des matières premières importées, comme le pétrole et les denrées alimentaires. Madagascar profitera effectivement de la fin de l’embargo indien sur le riz non-basmati annoncée en 2024 et de la hausse de sa production rizière nationale.
Des déficits jumeaux encore importants malgré les réformes minières et budgétaires
En 2025, le déficit public devrait juste se stabiliser, en raison de l’application lente et seulement graduelle des réformes soutenues par le FMI. Le plan de redressement de la compagnie nationale de production et de distribution d’eau et d’électricité, Jirama, ayant subi des pertes à la suite d’un accident dans une centrale hydroélectrique en 2022, permettra de réduire le risque budgétaire. La mise en place d’un mécanisme automatique de fixation des prix des carburants et la levée de prix plafond de produits importés essentiels (riz, sucre et ciment) réduiront les transferts du gouvernement. En revanche, les dépenses en capital, liées aux projets d’infrastructures du gouvernement (routes et accès à l’électricité), resteront élevées. Les aides projets diminueront en pourcentage du PIB, mais les recettes fiscales se stabiliseront, les revenus miniers étants stimulés par le nouveau code. Si le gouvernement tente d’augmenter l’assiette fiscale, notamment via l’augmentation des droits d’accises sur le tabac et le rétablissement du taux de la TVA à 20% pour le diesel et l’essence, la performance de l’impôt restera faible et les réformes très graduelles. Ces dernières sont soutenues par la FMI, qui a approuvé deux nouveaux programmes en juillet 2024 après l’annulation de la Facilité élargie de crédit (FEC) de 40 mois signée en mars 2021. Cette décision émane de la volonté du gouvernement de s’aligner sur la nouvelle Politique Générale de l’Etat, issue du nouveau mandat présidentiel (décembre 2023). Le nouvel accord se compose d’une FEC de 36 mois de 337 millions de dollars, dont 48 ont été décaissés immédiatement, ainsi que d’une Facilité pour la résilience et la durabilité de 321 millions de dollars. Outre les versements du FMI, le déficit restera financé par des emprunts extérieurs concessionnels. En 2025, près de 70% de la dette publique sera extérieure, quasiment entièrement détenue par des créanciers officiels. En ligne avec la stabilisation du déficit budgétaire, le ratio de la dette publique sur PIB devrait se maintenir.
En 2024, le déficit commercial s’est fortement accru en raison de l’importante contraction des exportations, notamment liée à la baisse des cours mondiaux de nickel et de vanille, qui représentent respectivement 26% et 17% des exportations malgaches. En 2025, le déficit commercial devrait se réduire, permettant ainsi une diminution du déficit courant, qui restera tout de même à un niveau élevé. La croissance des exportations, permise par les minerais et la vanille, surpassera l’augmentation des importations. En ligne avec la politique d’investissements en infrastructures et le développement de projets miniers, la facture de biens intermédiaires et d’équipements sera importante. Le déficit des services diminuera avec la poursuite du redressement du tourisme, le nombre d’arrivées annuelles devraient croître de 25%.
Les remises d’expatriés (2,4% du PIB en 2023) excèdent les rapatriements de dividendes des investisseurs étrangers. Le financement du déficit continuera d’être assuré par investissements directs étrangers, essentiellement vers le secteur minier et la pêche, ainsi que par l’aide internationale.
Le président Rajoelina, réélu, face au mécontentement populaire
Le président Andry Rajoelina a été réélu pour un mandat de 5 ans en novembre 2023, avec près de 59 % des voix. Les candidats de l’opposition ayant appelé au boycott, suspectant des irrégularités, le taux de participation fut faible (46%). La coalition présidentielle a également obtenu la majorité à l’Assemblée nationale lors des élections législatives de mai 2024 (84 des 163 sièges). Malgré cette position de force du gouvernement, l’instabilité restera grande en raison du mécontentement populaire, notamment dans les zones urbaines où l’opposition a obtenu davantage de voix lors les scrutins électoraux. Les troubles sociaux resteront alimentés par la mauvaise gouvernance (corruption) et les griefs socio-économiques, liés à l’inflation élevée et à la crise alimentaire enracinée, conséquence de chocs d’approvisionnements extérieurs, d’une sécheresse persistante dans le sud et de cyclones récurrents. A cela, s’ajoutent un taux de pauvreté élevé (80%) et une prévalence de la criminalité et du banditisme. Toutefois, ayant interdit toute forme de manifestation politique en mars 2023, le gouvernement n’hésitera pas à réprimer les opposants en cas de protestations. Le risque de coup d’état n’est pas négligeable, alors que l’armée est déjà intervenue dans le passé lors de transitions contestées (2002 et 2009 ; en dernier lieu).
Du côté international, le pays continuera de dépendre de l’aide extérieure (organisations multilatérales, France et Etats-Unis). Le pays renforcera également ses liens avec la Chine et l’Inde, principales sources d’importation (tissu, fer, riz).