Les entreprises de biotechnologie, plus communément appelées biotechs, jouent un rôle primordial pour améliorer le traitement et la survie des patients face à des maladies rares difficiles à traiter, ainsi que pour préserver leur bien-être. Malgré l'importance du secteur en Europe, le continent perd du terrain face aux États-Unis et à la Chine.
Le monde des biotechs en ébullition
Grâce à leur agilité et leurs liens avec le monde universitaire les biotechs jouent un rôle crucial dans la découverte de nouvelles thérapies et le développement de médicaments biologiques dont la part dans les ventes de médicaments a progressé de 13 points de pourcentage entre 2014 et 2022, signe de leur activité.
En matière de recherche et développement (R&D), les biotechs se sont affirmées comme des acteurs majeurs, comptant pour près de deux tiers des essais cliniques de phase I1 en 2023 contre un tiers en 2014.
Très actives, elles ont en parallèle des besoins en capitaux importants. Elles doivent ainsi disposer d’amples liquidités pendant de nombreuses années avant de pouvoir générer des ventes, celles-ci étant conditionnées à l’obtention d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) par les régulateurs.
Une Europe en perte de vitesse
BioNTech, biotech allemande alliée au laboratoire américain Pfizer, a été la première compagnie à offrir un vaccin autorisé pour lutter contre l’épidémie de la COVID-19, lui permettant d’occuper une place de choix dans les commandes de vaccins. Cet exemple, loin d’être unique, illustre l’importance de la contribution européenne dans le concert de la biopharmacie mondiale. Derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, et l’Espagne occupent respectivement la seconde, troisième et cinquième place mondiale en termes de nombre de sociétés de biotechnologies médicales actives[2].
L’Europe peine cependant à transformer ses avancées en projets industriels. Les biotechs européennes ont initié 17% des essais cliniques en 2022, mais ont été dépassées par la Chine, qui est passée de 9% en 2017 à 20% en 2022.
L’innovation se trouve dans les entreprises de biotechnologies émergentes, généralement de petite taille, qui ont en Europe un accès difficile aux financements issus des fonds de capital-risque3, moins enclins à investir tôt, préférant les phases moins risquées. De nombreuses biotech européennes cherchent ainsi des financements étrangers, principalement américain (comme cela a été le cas de BioNTech et son allié financier Pfizer).
Le leader américain désormais en concurrence avec la Chine, poids lourd en devenir
La Chine s’affirme depuis plusieurs années comme un compétiteur de poids, qui s’efforce de développer une industrie biotechnologique capable de rivaliser avec celle des États-Unis grâce à une stratégie axée pour le moment sur l’amélioration de médicaments existants avant de viser des innovations plus radicales.
Les Etats-Unis, grâce à la mise en place d’un écosystème intégré et la symbiose entre les universités, les centres de recherche, les agences publiques de financement, les partenaires privés (VC), les facilitateurs d'essais cliniques et les façonniers4 restent leader mondial. Ces partenariats entre les multiples acteurs de la chaîne de valeur biotechnologique permettent ainsi de favoriser la survie d’entreprises qui doivent surmonter de nombreux obstacles réglementaires avant de pouvoir générer des ventes.
Les tensions commerciales sino-américaines, qui touchent de nombreux domaines d’activité, n’épargnent donc pas le segment des biotechnologies et menacent de compliquer les relations et collaborations actuellement à l’œuvre entre biotechs des deux pays.
Dans ce contexte et pour ne pas se laisser distancer, l’Europe doit améliorer la conversion de ses recherches fondamentales en application cliniques et attirer davantage de financements européens. Cela faciliterait le développement de capacités de production adaptées, y compris en collaboration avec de grands laboratoires pharmaceutiques. Ces derniers, qui disposent d’une expertise reconnue en termes de développement de médicaments et d’une surface financière importante, seraient à même de faciliter l’accompagnement des biotechs européennes dans leur croissance.
1 Avant d’être dispensé aux patients, un médicament doit suivre trois phases (I, II et III) qui permettent de déterminer l’efficacité et la toxicité de celui-ci sur des groupes de volontaires. L’autorité médicale compétente délivre ou non une autorisation de mise sur le marché (AMM) en fin de phase III. Une quatrième phase est prévue afin de mesurer sur le long terme et en conditions de vie réelle les éventuels effets secondaires.
2 https://www.labiotech.eu/best-biotech/top-biotech-countries/
3 Un fonds de capital-risque est un produit d'investissement qui permet de participer au capital d'une entreprise disposant d'un potentiel de croissance élevé. En contrepartie de cet investissement au capital, l'entreprise cède aux investisseurs des actions ou parts sociales.
4 En anglaise CDMO (Contract Development Manufacturing Organisations)