A l’occasion du 20ème anniversaire de l’apparition de l’euro dans le porte-monnaie des européens, l’équipe de recherche économique de Coface s’est penchée sur les effets que ce changement a provoqué en termes macroéconomiques.
Lors de l’introduction de l’euro, les attentes étaient très élevées notamment avec l'élimination du risque de change et des coûts de transaction. L’impact sur les échanges commerciaux a cependant probablement été limité. Le commerce intra-zone était déjà important lors du lancement de l'euro (50 % du commerce total de la zone euro à 12). Cette proportion a même légèrement diminué depuis avec l'émergence de la Chine dans le commerce mondial et l'essor des échanges commerciaux entre l’Allemagne et les pays d’Europe centrale.
Quel impact sur les taux ?
Dans les années 1990, les taux d'intérêt nominaux avaient convergé et les écarts de taux étaient très faibles au moment du lancement de l'euro. Après une décennie de stabilité, les spreads vis-à-vis de l'Allemagne ont explosé après la crise financière de 2008-2009 et la crise souveraine européenne, lorsque les marchés ont recommencé à différencier le risque de crédit entre les pays européens et ont réalisé que certains d’entre eux pouvaient faire défaut. Les spreads par rapport au Bund ont ainsi augmenté jusqu'à ce que le président de la BCE s'engage à « faire tout ce qu'il faudrait » (‘whatever it takes’) pour préserver l'euro. Toutefois, il est important de noter que de nombreux pays bénéficient aujourd’hui de conditions de financement bien plus favorables que s'ils ne faisaient pas partie de l’UEM.
Quel impact sur l’inflation ?
Les taux d’inflation en zone euro ont été plus faibles au cours de la dernière décennie dans un environnement dé(sin)flationniste global. Alors que les taux d'inflation ont convergé de manière spectaculaire – vers les taux des pays à faible inflation – pendant la période de qualification à l’euro (années 90), leur dispersion est restée relativement stable au cours des 20 années suivantes.
Quel impact sur la croissance ?
De manière générale, la convergence réelle – en termes de structures productives et de revenus par tête - n’a pas eu lieu entre les premiers pays ayant adopté l'euro. La plupart des pays à haut revenu ont ainsi enregistré une croissance plus élevée du PIB par habitant au cours de la période.
Alors que la Grèce et l'Espagne convergeaient avant la crise financière, cela n’a pas été le cas pour le Portugal et l'Italie qui ont clairement sous-performé sur l'ensemble de la période.
Après la mise en place de l'euro, les flux financiers importants qui étaient dirigés vers les pays à faible revenu n'ont pas généré de convergence en termes de productivité car ils sont allés vers des secteurs à faible productivité tels que les services ou la construction.
Sa place à l'échelle mondiale
Le rôle international de l'euro est resté globalement stable depuis la crise financière mondiale et la crise des dettes souveraines en zone euro. L'euro reste incontestablement la deuxième monnaie au niveau mondial mais il est loin de concurrencer le dollar américain.
La part de l’euro dans les réserves de change, les titres de créances, les prêts ou les dépôts est à peu près la même qu'au moment de son introduction – avec une augmentation au cours des 1eres années et une forte baisse après la crise des dettes souveraines. Environ 70 % des émissions de titres de créances étaient libellées en dollars américains en 2020 contre 20 % en euros (un niveau comparable à 1999).
Un premier bilan mitigé
Le bilan des deux premières décennies de l'union monétaire est loin d'être parfait – même si, au regard de son incomplétude et des critiques initiales, l’UEM a déjoué les pronostics les plus pessimistes.
Ces dernières années, son architecture a été renforcée, avec notamment l'Union bancaire et le Mécanisme européen de stabilité, et l’ensemble est plus résilient. Mais il y a encore beaucoup à faire en termes de gouvernance pour rendre cette union plus efficace et plus résistante aux chocs externes et/ou idiosyncratiques. D'autant que la mobilité du travail reste faible et la convergence réelle, dans une large mesure, un mythe. Plus particulièrement, le fédéralisme fiscal (l’Union budgétaire) demeure un objectif (au-delà du plan de relance européen et des considérations sur les règles budgétaires) dont la réalisation à court terme semble malheureusement toujours hors de portée.